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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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Kachrout

Note : cette page reflète les positions historiques de la communauté et ne correspond souvent plus à sa position contemporaine. Elle permet une mise en perspective après plus de 50 années d'affirmation du judaïsme libéral en Belgique..

Dans toutes les manifestations de nos vies, il y a une prescription de la Torah qui vient rappeler que chaque acte nous constitue, nous construit et qu’il a donc une dimension religieuse.

La table et la nourriture n’échappent pas à cette exigence. Dans les lois alimentaires, il y a le souci de sanctifier, d’humaniser l’instinct par le choix, par la conscience et par la bénédiction qui précède et suit le repas. La table, ainsi, devient l’autel et manger rejoint la prière.

Pour ces raisons, et bien d’autres, nous suivons les prescriptions de la Torah (Lévitiques 11 et 17), c’est-à-dire l’abstention de tous les animaux interdits, du gibier et du sang. En ce qui concerne les prescriptions rabbiniques, nous recommandons de ne pas mélanger ou de cuire ensemble des produits carnés et lactés. Par contre, nous admettons la consommation d’un animal non abattu rituellement, - dans la mesure où cet abattage est pratiqué selon des normes qui épargnent à l’animal la souffrance inutile - une seule vaisselle, le pain et le vin ordinaires ainsi que les produits achetés dans les magasins courants (à condition d’en lire la composition), la fréquentation de restaurants non cacher, mais dans le respect des règles qui précèdent.

Les lois alimentaires, désignées par le terme de CACHROUT, ne sont pas motivées par la Torah, si ce n’est que, par trois fois, elle les associe à l’idée de sainteté. (Exode 22-30) (Lev. 11-44) (Deut. 14-21)

Les rabbins les classent dans la catégorie des houkim, prescriptions sans explications. Cependant, cela ne les a pas empêchés de poser des questions et certains commentaires vont dans le sens de l’autodiscipline et de l’humanisation de l’instinct. (Beréchit Rabba 44.1, Sifra Lévitiques 20-26)

Tout au long de notre longue histoire, la cachrout a été une pierre de touche de l’observance. Le judaïsme réformé américain, lors de la conférence de Pittsburgh en 1885, a considéré les lois de la cachrout comme dépassées, car elles se sont développées en obstacle à l’esprit de sainteté. Paradoxalement, aujourd’hui, il revient vers l’observance des lois alimentaires, alors qu’elles sont négligées par une grande majorité du peuple juif.

La première question que l’on ne peut s’empêcher de se poser est la suivante: pourquoi la religion s’occupe-t-elle de ce que l’homme mange, en quoi cela sert-il à éclairer l’esprit ?

Pour comprendre, il faut se rappeler que, pour la Torah, aucun domaine de la vie humaine n’est neutre, vide d’un signe et d’un rappel du Créateur (voir texte sur les mitsvot p....). De plus, pour le judaïsme, le spirituel et le matériel sont liés et il y a interaction entre eux: « Sans pain, pas de Torah et sans Torah il n’y a pas de pain » (Pirké Avot). Nous ne sommes pas des anges désincarnés et chaque chose de nos vies contribue à nous former ou à nous déformer. Un chemin de vie et le savoir de Dieu - peut-on d’ailleurs véritablement séparer entre les deux - c’est, dans chaque comportement et chaque chose de notre quotidien qui s’affine ou s’éclaire, ou le contraire..

La Torah, par trois fois, lie les lois alimentaires à l’idée de sainteté. C’est une indication précieuse qui nous évite des erreurs trop souvent commises.

De voir, dans la cachrout, des préoccupations hygiéniques ou diététiques. Qui ne connaît l’exemple, si souvent cité, du porc animal sale et dont le ténia serait mortel et que, dans l’antiquité, on ne savait pas cuire suffisamment ? Le cheval ou le lapin n’entrent pas du tout dans cette catégorie et, cependant, ils sont interdits. Si l’hygiène ou la diététique étaient les motifs des lois alimentaires, la Torah ne serait qu’un manuel médiéval, depuis longtemps dépassé. Il se trouve, pourtant, que certains principes de la Torah recoupent ces préoccupations. Il faut penser à l’interdiction des crustacés ou des coquillages, dont les dangers sont connus aujourd’hui. Hasard ou intuition prodigieuse, mais là n’est pas le but de la cachrout. 

Une autre raison, invoquée parfois: les animaux interdits seraient impurs. A ce propos, l’exégèse rabbinique est très claire. Tahor et Tamé appliqués aux espèces permises et interdites, que l’on traduit - faute de mieux - par pur et impur, désignent tout juste les animaux permis ou interdits pour les sacrifices. Le midrach va plus loin, en affirmant: « Il ne faut pas dire: je ne mange pas de telle viande parce que ce n’est pas bon. C’est très bon. Mais la Torah me l’interdit ».

Beaucoup de manuels religieux sur la cachrout y voient un élément de séparation entre Israël et les nations. Cela a pu être valable en ce qui concerne les peuples païens aux pratiques abominables, où la cruauté se mêlait à la sorcellerie et la magie. (Lév. 18-24) Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les grandes religions nées du judaïsme sont, à différents degrés, des monothéismes éthiques. Les lois alimentaires sont certainement un ciment d’unité et de sauvegarde de l’identité, surtout pour un peuple dispersé. Mais elles ne peuvent avoir comme principe essentiel et motif de base, d’ériger la séparation des hommes et des peuples comme une valeur. Elles doivent  être vécues pour préserver et rappeler, et non pour séparer. Car, alors, elles déborderaient dans des excès négatifs et caricaturaux, comme cela se voit aujourd’hui dans certains milieux religieux.

Une dernière raison, évoquée par ceux qui sont éloignés de la pratique: toutes ces lois ne seraient que des vestiges d’antiques tabous. On pourrait d’ailleurs dire la même chose de la circoncision. Peut-être, mais le problème n’est pas là. Car, ce qui compte, c’est ce que le peuple d’Israël et ses maîtres ont mis dans ces lois. La lecture qu’ils en ont faite. Et, génération après génération, les étincelles de foi, de volonté d’espérance, d’expérience d’humanité qu’ils ont sertis dans ces vieux moules.

Rabbi Abraham Dahan