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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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Commentaire

Ki Tissa

February 15, 2011 2

Ki Tissa – Exode 30,11 à 34,35

Etincelles

"L'Eternel parla à Moïse en ces termes: quand tu feras le dénombrement général des enfants d'Israël, chacun d'eux donnera comme rachat de sa personne un demi-shekel, et qu'il n'y ait point de mortalité parmi eux à cause de cette opération"(Ex. 30,11). C'est par ces mots que s'ouvre la très longue et très riche sidra de ce chabbat.

L'expression utilisée pour dire 'dénombrer', compter, est pleine d'enseignement. Le texte emploie littéralement les mots 'lever la tête'. C'est comme si on disait: quand il te faudra compter le peuple, ne le rabaisse pas, grandis-le, fais lever la tête de chacun. On ne compte pas les hommes comme des moutons. Demande à chacun une demi-pièce et tu compteras les pièces et pas les hommes.

Que le chef qui ordonne les recensements ne se glorifie pas du nombre et dise en lui-même: je suis le maître d'un peuple nombreux. Ne te laisses pas piéger par ton pouvoir, ta fonction c'est de diriger, de guider en étant au service pour éduquer.Une demi-pièce pour bien montrer qu'on n'est Un qu'avec l'autre. Seul je ne suis que la moitié de quelque chose. Ce sens de l'autre, de sa complémentarité pour moi, est une constante de la tradition juive.

Ces pièces rassemblées devaient servir à assurer le culte dans le Tabernacle. C'est dire que c'est la participation de chacun, même humble, au service de Dieu, qui est la marque de la présence de Dieu. C'est cette participation, même humble, qui fait qu'un homme compte. C'est ce qu'indique l'expression de la Tora "over al hapikoudim" qui signifie littéralement 'il est compté'. Plus loin encore, c'est ce don, cette participation avec les autres dans un projet vrai, qui font que l'homme est vivant, qu'il mérite sa vie, qu'il redime son être, se rachète, et qu'il est debout et va vers le pardon: "Ils donneront chacun la rançon de son être", littéralement 'ils se rachèteront ainsi'. Et je rappelle que c'est du verbe de ce mot "kofer" que naît le mot 'Kippour'.

Le chap. 32 raconte le tragique épisode du Veau d'Or. La rechute d'Israël dans l'absurde et sa condamnation. C'est là aussi que se trouve l'audacieuse plaidoirie de Moïse pour obtenir le pardon pour son peuple. Devant le spectacle de désolation qui s'offre à ses yeux quand il descend du Sinaï, Moïse jettera violemment les Tables à terre et les brisera. Les Tables de la Loi "écrites du doigt de Dieu", Moïse les brise. Le Saint béni soit-Il, disent les Sages, le félicitera pour son geste: "Bravo de les avoir cassé!"(Midrach Rabba).Cet acte incroyable montre de façon éclatante que, pour le Judaïsme, il n'y a pas d'objet sacré ou saint en soi. Même les Tables de pierre, portant la Loi, gravées par le Créateur lui-même, ne sont que pierre morte si les hommes transgressent la Loi.

Dans le chap. 33, s'esquisse une volonté d'éloignement comme si, suite à la faute, la proximité de Dieu pouvait être dangereuse, brûlante pour ce peuple à la nuque raide: "J'enverrai devant toi un ange…si je reste au milieu de vous, je pourrais vous anéantir" (Ex. 33,2 à 5.)

Moïse refuse: "Si Ta face ne nous guide pas, ne nous fais pas sortir d'ici" (Ex. 33,15). Maître de l'Univers, pas d'anges, pas d'intermédiaires, Ta présence, "c'est ce qui nous distinguera moi et ton peuple de tous les peuples qui occupent la face de la terre". (Ex. 33,16). Et cette demande sera acceptée!

Pour tout un chacun, Juif ou non, croyant ou non, ces quelques versets n'expriment-ils pas de façon hallucinante le destin si singulier d'Israël et sa situation parmi les nations? Comme si, de cette présence, Israël portait une marque, une trace indélibile qui toujours étonne et parfois se révèle dangereuse, parce que très souvent les nations la tournent en marque d'infamie. Nous savons ce qu'il en est.

Chabbat Chalom,

Rabbi Abaham Dahan