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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

Beth Hillel Beth Hillel Beth Hillel Beth Hillel

Commentaire

Parasha Korah ou l'incarnation d'un pénitent

June 25, 2011 12:

Nombres 16,1 à 17, 22)

La paracha "Korah" suscite un grand nombre de questions. Pourquoi lui ? Pourquoi à ce moment-là,  et pas avant ou après ? Pourquoi 250 notables soutenaient-ils Korah en plus d’une grande partie de la population ?.....

Rappelons-nous, qu’avant la démarche de Korah, avait eu lieu une révolte dont le signal avait été lancé par les chefs-espions. L’envoi de ces espions avait fait suite à une demande générale dont Moïse parlera plus tard (Deut. 1/22) et qui indiquait déjà une certaine méfiance, même si ce n’était pas encore une révolte déclarée.

En relisant le Livre des Nombres, on se rend compte que la grande majorité des Hébreux rendaient Moïse et Aaron responsables de la sortie d’Egypte et de toutes les difficultés, grandes et petites qui s’ensuivirent. Mais même quand la Tora nous explique comment les choses se sont enchaînées, on se demande "pourquoi" ?

Peut-être la clé principale pour comprendre ce qui semblehistoriquement parlantincompréhensible, serait de se rappeler que la Tora n’est pas un manuel d’Histoire, mais une "Torat Haïim", un enseignement de vie, de la vie telle qu’elle est, et que tous les faits historiques que rapporte la Tora ne sont mentionnés que dans la mesure leur connaissance est utile ou nécessaire pour savoir ce qui peut arriver, comment y faire face, comment adapter notre comportement. Une illustration par les évènements.

Par exemple, en relisant le verset 15 de Korah, on peut se demander pourquoi Moïse avait besoin de déclarerou de rappeler - à Dieu qu’il n’avait jamais accepté de cadeaux corrupteurs ? Dieu ne le savait-il pas ? Bien sûr, Dieu le savait, mais nous ne le savions pas. Or, pourquoi devons-nous l’apprendre à ce moment précis de la lecture biblique ? Pour nous enseigner que l’exercice du pouvoir corrompt l’homme. Or, Korah et ses acolytes ont soif de pouvoir, et hâte de s’en emparer.

Qu’il suffise – pour nous rendre compte de l’actualité de cet enseignement -, de penser à toutes les enquêtes judiciaires, les procès, les condamnations pour corruption et abus de pouvoir dont nos journaux sont remplis. Un exemple très rare d’intégrité fut, dans la Rome pré-impériale, Qinctius Cincinnatus qui, à trois reprises, nommé « dictateur » avec les pleins pouvoirs en temps de guerre, revînt, dès le danger passé, à son métier d’agriculteur. Cela lui vaut de figurer aujourd'hui encore dans la partie historique du dictionnaire.

Avant même que les Hébreux ne se donnent un roi, la Tora – oh ! combien prévoyante ! – nous enseigne les règles du comportement qu’il devra adopter (Deut 17, 14-20) : Il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux (soif de puissance), d’avoir beaucoup de femmes, (jouissance physique excessive). Il n’amassera pas de l’or et de l’argent outre mesure", (ne pas chercher à "avoir" mais plutôt à "être"). Comment le roi se préservera-t-il de tous ces excès ? Il écrira une copie de cette Tora pour son usage, afin de s’imprégner de son enseignement et de ne pas s’en écarter.

Ces lois seront appliquées pour la 1ère fois plusieurs centaines d’années plus tard, au temps du prophète Samuel, après l’époque des Juges. Le récit de l’intronisation du roi Saul, premier roi d’Israël, se trouve dans la Haftarah de la Paracha Korah (Sam.1, 11-14 et 12-22-). Samuel, en tant que prophète, avait été désigné par Dieu pour être le juge spirituel et légal d’Israël. En transférant, devant la foule, cette fonction au roi Saul, nouvellement désigné, Samuel pose publiquement la question : "Eh bien, accusez-moi à la face de l’Eternel et à la face de son élu, s’il est quelqu'un dont j’aie pris le bœuf ou l’âne, quelqu'un que j’ai lésé ou pressuré, quelqu’un qui m’ait déterminé par un présent, à fermer les yeux sur sa faute...Je suis prêt à vous le rendre". Ils répondirent :"Tu ne nous as point lésés, point pressurés, tu n’as rien accepté de personne" (Sam.1, 12, 3-4). Ce problème de corruption, d’achat des faveurs d’un juge, d’un gouverneur, d’un ministre, d’un roi et même de Dieu Lui-même, est aussi vieux que l’humanité, et il sera toujours d’actualité. Il est évident que les coutumes d’offrandes et de sacrifices sont dues au fait que l’homme, en offrant la vie d’un animal à la place de la sienne à une divinité païenne cruelle ou dangereuse, croyait sauver sa vie tout en achetant les faveurs de la divinité.

Quand Noé quitte l’arche et libère tous les animaux qui y étaient restés enfermés pendant la longue durée du déluge, sa première marque de gratitude envers l’Eternel est de construire un autel, d’égorger des bêtes et des oiseaux pour les "offrir" à Dieu qui pourtant ne lui avait rien demandé. Il agit comme un enfant qui aurait réussi à tuer une mouche et l’offrirait à sa mère, croyant ainsi lui faire plaisir. Que lit-on ensuite ? "L’Eternel aspira la « délectable » odeur, et Il dit en Lui-même :"Désormais Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car les conceptions du cœur de l’homme sont mauvaises dès son enfance"(Gen. 8, 21). Ceci reste et restera toujours vrai, car le remède ne réside pas dans la disparition de la quasi totalité de l’humanité, mais dans l’éducation de l’homme.

Il va de soi que les règles de conduite que Dieu impose au roi valent pour tout homme. Ce qui surprend le plus, c’est que la triple soif dans le cœur de l’homme, de même que le remède pour la calmer, étaient prévus dès la Création. En voici l’illustration :

"Un fleuve sortait de l’Eden pour arroser le jardin ; de il se divisait et formait quatre bras. Le nom du premier : Pichôn ; c’est celui qui coule tout autour du pays de Havila, se trouve l’or. L’or de ce pays-là est bon ; aussi le bdellium et la pierre de chôham. Le nom du deuxième fleuve est Ghihôn ; c’est celui qui coule tout autour du pays de Kouch. Le nom du troisième fleuve : Hiddékkel ; c’est celui qui coule à l’orient d’Assur. Et le quatrième fleuve était Prat". (Gen.2, 10-14)      

Le fleuve qui arrosait le jardince qui était une nécessité – ne portait pas de nom. Mais après avoir arrosé le jardin, il se divisait en quatre bras qui menaient hors du jardin d’Eden. A quoi pouvaient servir ces quatre bras ? A quitter le jardin ! Avec une planche sur un fleuve, on peut aller loin ... Il suffit de choisir la direction et de savoir l’on veut se rendre. Or, le premier fleuve, Pichôn, était au service de ceux qui ont soif de richesse matérielle : l’or, les pierres précieuses ; ceux qui préfèrent "avoir plutôt qu’être". Le deuxième fleuve mène vers Kouch. Or l’adjectif "kouchit" avait dans l’hébreu biblique une double signification (Nombres 12, 1), soit originaire de Koush (Ethiopie), ou "belle" lorsque il s’agissait d’une femme, car les Ethiopiennes étaient considérées comme très belles. Donc le deuxième fleuve pouvait être emprunté par des hommes assoiffés de jouissance physique. Le troisième fleuve, lui, menait vers Assur, siège de la puissance et de la dictature.

 

Ces trois fleuves n’étaient pas connus à l’époque biblique. Par contre, le quatrième fleuve, Prat ("Euphrate" en français), était connu