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December 1, 2022 6

Shofar 394  |  Judaïsme et psychanalyse

Alexandre (Ezra) Piraux
shofar@beth-hillel.org

ÉDITO

Judaïsme et psychanalyse

Devenir avocat ou médecin peut être un rêve de parents juifs (ou non) et un cliché.

Mais au fond de tout cliché on retrouve parfois des vérités partielles.

Ces métiers sont dans l’aide aux personnes. Leur choix ne réside pas nécessairement exclusivement dans un désir d’élévation sociale, mais dans l’amour de l’étude combinée aux soins, à la défense des autres, application de la devise « la justice, la justice tu poursuivras ». Nous avons été frappés par le nombre important de psy dans nos communautés et surtout questionnés par le rôle du Judaïsme dans la naissance de la psychanalyse et d’autres thérapies dérivées.

Le long exil, les exclusions, brimades et souffrances sont sans doute à l’origine d’une hypersensibilité et à l’attention portée aux autres.

Nous commençons cette édition par le regard de trois psychologues ou psychanalystes) sur cette question de l’influence du Judaïsme sur la psychanalyse certaines techniques de soin.

Les articles thématiques qui vont suivre livreront chacun un riche éclairage.

Isabelle Telerman met l’accent sur le fait que la position marginalisée de Freud lui a permis ainsi qu’à d’autres intellectuels de penser à contre- courant de la « majorité compacte ». La contributrice reprend les principaux land marks de la psychanalyse dans son article.

De son côté Aude Katz nous livre les éléments déterminants de son parcours de vie. Il faut dire que nous avons lourdement insisté auprès d’elle afin qu’elle nous explique son passage de philosophe et de la célèbre question « pourquoi ? » au métier (à la vocation plutôt) de thérapeute plus orienté sur le « Comment » - même si la question du sens est loin d’être évacuée-. Sa démarche s’inscrit dans une quête de recherche sans fin, tout comme dans une quête lucide de progrès accessibles (via des séminaires, ateliers, certifications) pour traiter au mieux voire guérir ses patients.

La dimension d’une quête sans fin pour traiter, guérir, savoir, surgit dans ses réponses et fait plus qu’impressionner.

Chantal Krischek, psychologue et psycho-thérapeute, elle, nous présente un article en trois parties qui aura trait à la transmission intergénérationnelle … entre théorie, roman et parallèle avec nos textes sacrés, nous allons suivre l’histoire reconstruite d’une famille en thérapie. Voici donc le premier épisode, nous attendrons la suite donc les numéros suivants.

Un texte bref de ma part évoque l’hypothèse d’une incertitude ou d’un doute identitaire juif qui serait à l’origine de la recherche de réponses et donc aussi de l’étude tout comme
l’hypothèse d’une influence de la Kabbale.

Marc Brichaux a relu avec passion l’ouvrage du célèbre psychanalyste et auteur juif Irvin Yalom Le jardin d’Epicure. On note qu’outre un plaisir renouvelé redécouverte, ces livres font réfléchir voire peuvent apporter des pistes de réponses à des problèmes personnels ou familiaux. Ils aident à vivre et sont proches de nous.

Nous rencontrons ensuite Philippe Haddad Rabbin de la synagogue de la rue Copernic, à Paris, depuis 2014. Il a reçu en 2020, le prix annuel de l’AJCF (Amitié Judéo Chrétienne de France), qui est remis à des personnalités qui s’engagent dans le dialogue interreligieux, comme précédemment Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, ou le Grand Rabbin Kaplan.

Il est aussi l’auteur de nombreux livres très pédagogiques et intelligents (La Torah, Le Judaïsme expliqué à mes amis) qui permettent de mieux comprendre le Judaïsme. Il donne des cours sur la lecture juive des évangiles au Collège des Bernardins. Très préoccupé du dialogue interreligieux, il donne une lecture juive de la prière de Jésus. Philippe Haddad nous expliquera en quoi tout cela n’est discordant. C’est peu dire que ses réponses seront passionnantes.

Pascale Leah Engelmann a été séduite par l’artiste israélienne Bracha, Lichtenberg Ettinger artiste peintre, philosophe et psychanalyste. Cette dernière s’exprime par l’art, mais est-elle, elle-même sa propre art-thérapeute, comme Freud fut son analyste ?

Comme le signale Pascale Engelmann, « L’art de Bracha L. Ettinger aborde le sujet du traumatisme, des mères et des femmes pendant la guerre ainsi que du féminin dans la mythologie Eurydice, Méduse, Déméter, Perséphone et Eros matriciel. Sa recherche abstraite en peinture concerne la lumière et l’espace. Ses sujets concernent la condition humaine et la tragédie de la guerre. Le processus de peinture engage un espace de passage entre les figures et l’abstraction. Un autre sujet majeur de son travail est l’inconscient et en particulier le féminin et le maternel. »

Dans la deracha présentée lors de sa bat mitzvah, Zoé Deroover s’interroge sur le sens de la cacheroute dans le monde actuel.

Pour finir il est un lieu commun d’affirmer que le Judaïsme est le socle de la psychanalyse et des pratiques en dérivant directement. Freud par son audace juive a ouvert des portes, libéré des langues, levé des inhibitions, apaisé des souffrances.

Certes le contexte a radicalement changé et les remèdes également avec la psychiatrie neuroscientifique. Il est donc logique que certains aspects de la psychanalyse qui sont restés inchangés soient critiqués même virulemment. Il n’empêche qu’elle représente un point de non-retour. Après Freud et ses disciples, l’homme ne peut plus se penser de la même manière.

Selon certains auteurs dont Viktor Emil Frankl (1905-1997), psychiatre juif, l’inconscient humain ne parle pas seulement de pulsions insatisfaites mais de … Dieu.

On ne peut certes que prendre acte de ce que les multiples méthodes d’échange et de dialogue interpersonnels n’ont apporté qu’un succès relatif et que nos sociétés sont loin d’être apaisées. Cependant il est raisonnable de penser que sans ces techniques de médiation, la situation aurait été plus grave et violente.

Reprenons à notre compte la sagesse de Pirké Avot qui disait « il ne t’incombe pas d’achever l’ouvrage mais tu n’es pas libre pour autant de t’y soustraire…. »

Je nous souhaite de passer des mois plus sereins et féconds.

Alexandre (Ezra) Piraux

shofar@beth-hillel.org