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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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On aime : Trois récits qui nous parlent d’amour

February 15, 2019 5

Trois récits qui nous parlent d’amour
Par Alexandre (Ezra) Piraux
Deux des trois lectures proposées n’ont à première vue pas de lien manifeste ni même implicite avec l’Amour. Et pourtant… l’amour s’y révèle sous des formes variées et insoupçonnées.

         
    

Univers: 
Littérature étrangère
Littérature

Collection: 
Payot, Rivages Poche Bibliothèque étrangère


Genre: Littérature américaine
Numéros poche:  903
Traduit de l'anglais (États-Unis)

ISBN: 978-2-7436-4310-2
EAN: 9782743643102

Parution: mars, 2018
340 pages
Format : 11.0 x 17.0 cm

 

On pourrait facilement résumer le roman Le Commis de Bernard Malamud telle une fable directement sortie de la Mishna (Torah orale).
Un goy Frank Alpine braque Morris Bober un modeste épicier juif de Brooklyn très pieux, et est pris de remords. Il devient son commis et tombe amoureux de sa fille.
Mais Frank le holdupnik conserve en dépit de tout « un accès de lucidité » et même quand il agit mal, il garde toujours en lui un profond sens de la morale.

Dans ce récit de 1957 comme dans les autres livres de Malamud se lit la trame du livre de Job à savoir la souffrance inexpliquée et inexplicable. Plus d’une fois dans cette histoire un personnage essaie de définir ce que c’est qu’être Juif. Pour l’épicier « Un Juif doit croire la Loi ». Pour d’autres ce sera la souffrance ou l’espoir.

Il y a au moins trois histoires d’amour dans ce roman : un amour affectueux partagé entre le petit commerçant et son nouvel assistant qui s’épaulent à tour de rôle au-delà du raisonnable : Frank qui est sans abri, est ainsi secouru par Morris devenu son patron.

Et lorsque ce dernier est à plusieurs reprises au bord du gouffre financier, Frank entreprend des efforts surhumains nuit et jour pour sauver le négoce en péril. Ensuite surgit un amour difficile mais sincère entre Helen la fille de Morris qui aime les études et cherche une meilleure existence et Frank l’inculte qui se montre très insistant et maladroit. Enfin amour du judaïsme, où dans les dernières phrases du livre, on peut lire que Frank se rend à l’hôpital et se fait circoncire « Après la Pâque, il se fit Juif ».

Aucune explication n’est livrée. Les personnages de Malamud semblent plus guidés par une force mystérieuse, que libres dans leurs choix, à la différence des héros de Philippe Roth confrontés à la libération de la puissance de leur désir. La fin de ce conte se termine donc par la circoncision de Frank.

Découvrir cet auteur et ce livre en particulier fut une découverte, à vrai dire plutôt inattendue. On trouve dans le texte beaucoup de souffrances froides et incontournables mais aussi et surtout beaucoup de tendresse et de tentatives de rédemptions. Les histoires de Malamud sont tristes et comiques en même temps. Elles ne cèdent en rien aux arcanes traditionnels d’une psychologie convenue.

 


         
 

EAN13: 9782072765070

ISBN: 978-2-07-276507-0

Éditeur: Folio
Date de publication: 07/06/2018
Collection: Folio

Nombre de pages: 400
Dimensions: 18x17x1 cm
Poids: 205 g
Langue: français
(Traduit par Sylvie Cohen)
Langue d'origine: hébreu

 

Dans le dernier roman de Amos Oz Z’’L, paru en 2016, Judas, se cachent pudiquement des amours rugueuses entre les trois protagonistes principaux.
L’action se situe dans la Jérusalem divisée de 1959. Le jeune Shmuel s’installe « comme homme de compagnie » pour financer ses études, dans la maison du fantasque vieillard Gershom Wald.

Ce dernier a perdu son fils unique durant la guerre d’indépendance. Atalia qui est sa belle-fille porte le deuil de son mari et vit avec eux. Ces trois personnes passionnées et émotives, Gershom le volcan éteint, Atalia la femme déterminée et Shmuel le romantique vont se rencontrer, se heurter notamment au sujet des arabes et des idéaux du sionisme.

Mais au-delà de cette question existentielle et des lignes de fracture consécutives, quelque chose de très fort les unit. A vous de deviner …. ou de lire ce roman.

Par ailleurs, apparaît une réflexion du jeune Shmuel qui s’intéresse à l’histoire de Jésus dans la tradition juive et tente dans le cadre de son travail universitaire, de décrypter la figure de Judas Iscariote.£

Il présente ce dernier comme un homme aveuglé par l’amour et la foi en ce Dieu crucifié qui allait pensait-il se lever et descendre de la Croix.

Dans cette interprétation, Judas le « metteur en scène » de la crucifixion devient un assassin à son insu par excès de vertu, d’amour.

Il croit au miracle de la résurrection. Comprenant qu’il a provoqué la perte de l’être qu’il aimait et admirait le plus, Judas rongé par le désespoir s’éloigne et va se pendre.

Il était peut-être « le premier chrétien [...]. Le dernier. Le seul ».

ndlr: Cfr aussi sa fameuse autobiographie "Une histoire d’amour et de ténèbres" Folio, 2004 et son dernier essai "Chers fanatiques", Gallimard, 2018.

 


         
 

Actes Sud
Sciences humaines
Le Souffle de l'esprit

Novembre, 2018
11,5 x 17,0 cm
264 pages
ISBN 978-2-330-11417-6

 

Le dernier ouvrage du Rabbin Pauline Bebe paru en novembre 2018, Le cœur au bout des doigts est un recueil de textes nés d’expériences du quotidien.

Ces 50 textes sont des éclats de lumières inspirantes car remplies de sens et de sensualités oniriques. Ils témoignent d’un amour éclairé et éclairant du Judaïsme.

J’aime particulièrement le texte intitulé «Il est des silences vides de mots et pleins d’amour», dans lequel l’auteure s’éloignant du «langage prescrit» nous rappelle que selon Samuel, 18.1 «… l’âme de Jonathan se lia à celle de David, et Jonathan l’aima dans son âme. » Reprenant André Neher, elle cite « L’amour de Jonathan pour David est littéralement né comme le veut le midrash de ce quelque chose qui est au-delà de la parole et que nous appelons silence. »

Cet amour naît de la « délicatesse du non-dit » car les mots peuvent être, selon Pauline Bebe, des pierres, des pierres d’achoppement, des mots tellement durs qu’ils blessent nos lèvres, font couler le sang sur le visage de l’autre.

Ce recueil de textes est à déguster sereinement, sans se hâter. Comme on peut l’observer la plupart des histoires d’amour sont marquées par la souffrance, une souffrance qui semble inévitable si pas nécessaire, telle une discordance entre le réel et l’idéal.

C’est un peu comme les tout premiers cris du bébé qui déchire ses poumons dans la douleur. La naissance n’est-elle pas après tout le début d’une souffrance déployée par intermittence, à la différence de la mort qui y met un terme. Entre les deux, le défi est d’aimer dans la joie.

L’amour est la force de nos vies.