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"Agir en juif, c'est chaque fois un nouveau départ sur une ancienne route" Abraham Heschel

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Dans La Presse

Août 42, au début de la Shoah

November 18, 2011 12

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/700646/aout-42-au-debut-de-la-shoah.htm

Christian Laporte                                              

Mis en ligne le 18/11/2011

Le futur Musée-Mémorial de la Shoah a retrouvé cette photo inédite de la déportation en Belgique. Certains éléments restent toutefois très énigmatiques.

Kazerne Dossin, le futur Mémorial, Musée et Centre de documentation sur l’Holocauste et les Droits de l’homme dont "La Libre" a rappelé en son temps - et en primeur - les différentes étapes du projet (r)ouvrira ses portes en deux temps à Malines. Le nouveau Mémorial sis dans l’ancienne caserne sera inauguré au mois de juin prochain alors que le Musée suivra en septembre 2012 à quelques semaines ou jours, allez donc comprendre pourquoi, des élections communales Mais bon, la ville de Malines a eu le grand mérite de soutenir le projet !

Le gros œuvre du nouveau bâtiment sis de l’autre côté de la rue Goswin de Stassart est déjà bien avancé et ne dépare pas le ciel malinois, tout au contraire, portant la signature du célèbre architecte et urbaniste anversois Bob van Reeth.

Si l’actuel Musée juif de la déportation et de la résistance est provisoirement fermé au public, cela ne signifie pas que l’équipe qui prépare ce nouveau haut-lieu de mémoire - qui se focalisera sur la Shoah en Belgique non sans universaliser la perspective à partir d’une réflexion sur les Droits de l’homme - s’enlise dans les délices de Malines !

Tout au contraire, sous la houlette de son curateur, l’historien Herman Van Goethem (Université d’Anvers), les chercheurs de Kazerne Dossin travaillent d’ores et déjà sur son approche scénographique. Et dans ce contexte, ils ont fait une découverte qui n’a pu que les "booster" : ils ont découvert une photo totalement inédite sur le troisième convoi qui a conduit des Juifs de Belgique de la caserne Dossin de Malines à Auschwitz. "En fait, explique Herman Van Goethem, à l’exception de quelques très rares clichés pris à l’intérieur de Dossin, l’on n’a pratiquement pas de photo de la déportation des Juifs en Belgique. Récemment, on a fait grand cas d’une photo d’un camion ouvert en pleine rue mais elle n’a finalement rien à voir avec la Shoah. Il est déplorable qu’ayant été présentée comme telle, on la retrouve aujourd’hui un peu partout sous cette enseigne "

Entendant éviter la répétition d’un tel dérapage historique et en travaillant donc de manière totalement scientifique ici, Herman Van Goethem a déjà procédé à une radioscopie approfondie du document mais à ce jour il n’a toujours pas pu situer l’endroit exact où le cliché a été pris. C’est pourquoi il a décidé de faire appel à "La Libre" et au "Laatste Nieuws" afin de retrouver le chaînon manquant.

C’est qu’il dispose quand même d’une série d’éléments intéressants : d’abord, au verso de la photo figure la date du 8 août 1942 mais après certaines recherches elle aurait plutôt été prise le jour de l’Assomption. La numérotation qui figure au bas du document laisse penser qu’elle est extraite d’un dossier de répression de l’après-guerre. Ce qui est certain c’est que la photo a été dénichée il y a quelques années lors d’une bourse d’échanges à Anvers. L’on ignore si l’Auditorat militaire l’a rendue à son auteur (par exemple, un inculpé pour collaboration qui n’aurait finalement pas été poursuivi) ou si elle a été volée dans un dossier. Mais selon Laurence Schram, autre chercheuse du musée juif de Malines, il est certain que la photo ne vient pas des documents relatifs aux SS flamands qui avaient été chargés de l’organisation interne de la caserne Dossin.

"Une bonne base de départ, poursuit Van Goethem qui est pratiquement convaincu qu’il s’agit d’un des premiers convois parti ou en direction de Malines. L’atmosphère paisible qui s’en dégage nous fait penser qu’il s’agit d’un des trois premiers convois. Car à partir du quatrième, celui du 19 août 1942, cela s’est passé dans un contexte nettement plus tendu et plus brutal de rafles."

A partir de cette déduction, le curateur de Kazerne Dossin s’est ensuite immergé dans le répertoire illustré de plus de 18 000 déportés publié en 2009 par le Musée de Malines. A priori de quoi résoudre une partie de l’énigme puisque les photos des déportés y avaient été classées par convoi "Oui, poursuit notre interlocuteur, sauf que la plupart de ces documents provenaient du Service des Etrangers. Ils avaient été réalisés au moment de l’arrivée en Belgique de ces nombreux réfugiés. Sans oublier que ces photos d’identité sont difficilement comparables avec celle que nous tentons de dépiauter !"

Reste qu’après un examen approfondi, le curateur a pu déduire qu’il s’agissait bien du troisième convoi. Mieux : il y a clairement identifié six personnes qui étaient tous des réfugiés de fraîche date installés tantôt à Anvers, tantôt à Ixelles. Mais voilà, ces éléments ne permettent pas de préciser le contexte de la photographie.

"Nous avons fait pas mal d’investigations et de recoupements à partir d’une analyse systématique du cliché. Si nous avons rapidement pu déduire qu’il s’agissait d’un événement lié à la Shoah en Belgique, c’est entre autres parce qu’un des personnages porte une étoile juive belge au modèle différent de celles de France ou des Pays-Bas. L’ambiance est en tout cas encore détendue. D’après nos recherches, la photo n’a pas été prise d’un camion ni d’une colline mais plutôt d’une rue en forte pente. En examinant de près les barrières, on peut supposer qu’on se trouvait près d’une église, d’un cimetière voire d’une gare. Il est fort possible que les futurs déportés soient passés par une autre gare. Dans cette hypothèse, cela pouvait se situer sur la ligne Bruxelles-Liège-Aix ou encore sur la ligne Louvain-Tongres-Aix."

Il reste une autre énigme dans ce cliché : en principe, à cette époque-là, si le port de l’étoile n’était pas obligatoire, les personnes d’origine juive devaient porter leur numéro de détenu à leur cou. Un élément confirmé par une des dernières personnes employées à Malines à qui l’on a récemment présenté le cliché "Cela ne clarifie pourtant pas totalement notre problème car si ce témoin n’a pas de problème de mémoire, la photo tendrait à montrer que ces numéros n’existaient pas pour les tout premiers convois. Une certitude : le cliché n’a pas été pris à Malines mais où alors ? Si vos lecteurs pouvaient nous aider "

 

Les personnes pouvant aider à identifier la photo peuvent envoyer un e-mail : info@kazernedossin.be ou encore appeler le 015.29.06.60. Voire écrire : Kazerne Dossin, Sint-Katelijnestraat, 139. B2800 Mechelen.